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Artisans du Maroc, Hommage au Maâlem Abdessalam Kamal Eddemnati


De tous les temps, le bois, matériau noble, a occupé une place privilégiée dans l’expression artistique et artisanale des civilisations.


Maâlem  Abdessalam Kamal Eddemnati
Maâlem Abdessalam Kamal Eddemnati
Au Maroc, l’artisan a donné depuis toujours ses lettres de noblesse au bois. L’imagination des artisans marocains est toujours sans limites dans ce domaine.
Le bois peint au gravé et le moucharabieh sont les styles les plus connus dans la tradition marocaine.
Avec la disparition récente du Maâlem Abdessalam Kamal Eddamnati, le Maroc vient de perdre l’un des ses meilleurs maîtres du bois. Il a consacré 70 années de sa vie à créer des objets en bois d’une rare beauté et à former plusieurs générations d’artisans.
Nous reproduisons ici en Hommage au maâlem Abdeslem Kamal Eddamnati l’entretien qu’il nous a accordé en 1992.

Comment êtes vous devenu un maâlem ?

Je suis née en 1922 à Marrakech. En 1934, j’ai eu la chance de commencer à apprendre le métier de menuisier auprès des frères Haj Ahmed et Haj M’hamed qui travaillaient à l’époque pour la décoration de STYLIA du Glaoui. En 1938, je les ai quittés pour compléter ma formation chez le mâalem Ahmed Ouled Sebbagh, l’un des grands maîtres à Marrakech. Avec lui, je dois dire que j’ai fait mes premières armes dans la métier du bois. EN 1940, je me suis installé à mon propre compte. Je n’avais à l’époque que 18ans. Mon père et mon maâlem m’ont beaucoup assisté dans mes débuts. Pour l’exécution de travaux difficiles, je prenais conseil auprès de mon maâlem. Cela a duré dix ans. A l’époque, les commandes étaient rares, l’artisanat de décoration ne marchait pas bien car les gens n’avaient pas assez d’argent. Alors je me suis converti à la menuiserie utilitaire : tables, chaises, meubles… Dans les années soixante, il a eu la reprise, une sorte de renaissance de la tradition du bois peint et gravé. Ma première véritable commande fut la décoration du palais du prince Moulay Ali. Il ya deux ans (1991) les maâlems de Marrakech se sont constitués en coopérative. Nous assurons ensemble la décoration d’une partie de la mosquée Hassan II à Casablanca.

Comment procédez-vous quand un client vous fait une commande ? Travaillez-vous d’après un plan ?

Non. Je ne commence jamais un projet sans visiter les lieux et sans prendre moi-même des mesures. Je ne me fie jamais à un plan d’architecte pour éviter les problèmes d’ajustement. Concevoir le tracé d’un plafond sans avoir été sur place serait une très grave erreur. Le client nous indique le dessin et les couleurs qu’il désire. Dans mon atelier, je prépare une maquette du projet, d’abord sur carton, ensuite je fais deux ou trois échantillons. Quand le client est d’accord, je m’attaque à la phase de la réalisation et du montage. Je garde d’ailleurs toujours un échantillon de chacune de mes réalisations.

Quelle sorte de bois utilisez-vous ?

Pour la gravure «Lachkar» on utilise assez souvent du cèdre et parfois de l’acajou. Pour des travaux élaborés, on utilise des bois bruns qui arrivent d’Afrique. Le bois peint peut être d’une autre essence.
Mais le bois doit toujours être bien sec. Trois à quatre ans sont nécessaires pour qu’il soit à point. Je dois toujours m’assurer de la qualité du bois avant chaque projet.

Quels articles réalisez-vous ?

Les plafonds, les portails, les fenêtres, les meubles et autres objets décoratifs. On général, quand on a fait un plafond pour un client, il veut souvent que l’on fasse le reste : le salon, les portes, les fenêtres, pour avoir une certaine harmonie dans la décoration.

Parmi vos client, y-a-t-il des jeunes ?

La clientèle et très hétérogène. Les jeunes commencent à s’intéresser au bois peint ou gravé et au moucharabieh. Ils ont du goût pour ça mais trop peu de moyens : le travail du bois selon la tradition est très coûteux.

Que ce soit pour la gravure ou la peinture, quels motifs utilisez-vous ?

Il existe une multitude de motifs, ils sont classés par groupes ou genres. Pour simplifier, disons qu’il ya le Tastir (dessin géométrique), la base étant le chiffre quatre. Ça commence par Arbaâ M’tareques, Arbaâ Kfi, Mtaman moul lmrayates, T’nachriates….. dans chaque genre il y a des variantes. Plusieurs genres peuvent être combinés, ou l’un entoure l’autre : c’est le Taâchich. Toutes ces compositions obéissent en fait à des lois géométriques. L’erreur et d’ailleurs très vite repérée, car la composition n’est plus équilibrée. Il y a aussi le Taourik (arabesque) ne doit pas être confondu avec le Tachjir (arborescence). On distingue plusieurs styles appartenant aux époques Andalouse, Mérinide et Saâdienne.
Ces compositions correspondent aux différentes époques où elles ont été mises au point par des artisans andalous, mérinides ou saâdiens. Le Tachjir (motif végétal) est une stylisation de la nature : feuilles, fruits, fleurs… le Taourik et le plus difficile en fait. On peut parfois combiner le Taourik au Tastir , c’est-a-dire, qu’on remplit les Sfafs de Tastir avec des motifs de Taourik. La terminologie dans ce métier est très riche et un maâlem qui se respecte doit maîtriser tout ce langage.

Quelles sont vos grandes réalisations ?

Le palais du prince Moulay Ali où j’ai eu le plaisir de travailler avec un architecte américain. La Kouba du ministère de la justice. Des réalisations chez quelques ministres et des personnalités marocaines où étrangères. Quelques villas à Marrakech, Rabat, Agadir, et Casablanca. Et la mosquée Hassan II.

Quel avenir ce métier a-t-il au Maroc ? La relève est-elle assurée ?

L’apprentissage et très lent mais on y arrive quand même ; l’apprenti doit être ouvert et patient. En cinquante années de carrière, j’ai eu le plaisir de former beaucoup de jeunes qui sont aujourd’hui installés à leur propre compte. Ils sont installés aujourd’hui comme des maâlems, ici au Maroc ou en Europe.

Et vos enfants s’intéressent-ils à votre métier ?

J’ai deux garçons qui travaillent avec moi. Ils n’ont pas eu trop de difficultés à apprendre le métier : la terminologie et le travail manuel. Je veux que les générations futures aiment et protègent ce métier. Qu’elles assurent la relève et que la tradition de l’art du bois se perpétue.



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