Jardins du Maroc N° 14 vient de paraître


Si nous ne voulons pas connaître des famines sans précédent, l’homme d’aujourd’hui doit mettre des solutions durables en place pour préserver la terre et la transmettre aux générations futures dans les meilleures conditions possibles.


Couverture jardins du maroc N° 14
Nous avons reçu en lègue cette terre, notre mère nourricière, et nous sommes tous responsables de son avenir. Chacun, à son niveau, dans son village, sa ville, son école ou au sein de son association peut faire quelque chose pour l’avenir écologique de notre planète.

Pierre Rabhi a, durant toute sa vie, lutté et lutte toujours pour le respect de la terre et la dignité de l’homme. Cet humaniste a su par son effort donner un nouvel élan au combat de l’écologie en mettant l’homme au centre de l’action.

Jardins du Maroc, jardins du monde a rencontré Pierre Rabhi lors de son passage au Maroc en 2009. Une occasion rare au cours de laquelle il a sillonné le pays et rencontré ses élites, ses lyciens à Marrakech et ses paysans à Casablanca et Taroudante. Il a aussi semé ses paroles sages que nous avons recueilli pour vous.

L’eau peut être le meilleur et le pire. D’une façon générale, l’eau est indispensable à la vie. Nous sommes nous-mêmes composés de 70 à 80 % d’eau et la terre, qui est un organisme vivant, a besoin, comme nous, d’eau, d’air et de chaleur. Les plantes ont aussi besoin de lumière. L’eau peut être aussi extrêmement dangereuse si elle est mal utilisée. J’ai vu, en Afrique noire, la pire catastrophe qui peut arriver. Elle se produit lorsqu’on a décidé d’offrir à des villageois des motopompes avant de leur avoir appris ce que signifie l’irrigation. Certains pensent, en effet, que plus il y a d’eau, mieux c’est. Or l’excès d’irrigation détériore les sols. Il y a perte de nutriments et l’eau, de plus, colmate les sols. D’où la nécessité d’irriguer avec beaucoup d’attention pour n’apporter aux sols que la quantité d’eau qui ne détériore pas son équilibre. Aujourd’hui, il y a un gâchis monstrueux de l’eau par excès d’irrigation. On épuise les nappes phréatiques. On entraîne par infiltration les nitrates dans les nappes. Et ces pratiques-là démontrent bien une grande ignorance de l’usage optimal de l’eau. Nous nous plaignons toujours qu’il n’y a pas assez d’eau. Mais nous sommes de plus en plus dans un processus de gaspillage préjudiciable aux générations futures. L’eau doit faire l’objet d’un savoir scientifique très pointu. Par ailleurs on utilise beaucoup l’eau pour des denrées les plus rémunératrices et on oublie alors de donner la priorité à l’alimentation de peuples. Ceci nous fait dépenser beaucoup d’eau. Il y a aussi la consommation de plus en plus importante de protéines animales au détriment des protéines végétales. L’agriculture occidentale consomme, pour faire un simple kilo de maïs-grains, 400 litres d’eau. Et quand on sait que pour produire une protéine animale, il faut à peu près 10 protéines végétales, nous constatons que nous sommes dans un ratio qui, non seulement, détruit les sols, mais aussi qui impose le gaspillage des ressources en eau encore disponibles. La question de la terre est très sérieuse. La question de l’eau est très sérieuse. La question de semences est très sérieuse. Et la préservation des paysans, leur maintien au service de la terre est une chose très sérieuse également. Elle nécessiterait une réflexion approfondie et intelligente si nous ne voulons pas connaître des famines sans précédent.
( Paroles de Pierre Rabhi ).