L’huile d’argan entre le savoir ancestral et la modernisation



L’huile d’argan appelée en arabe « Zît ârgân », est un produit extrait à partir de l’amande oléagineuse du fruit de l’arganier. L’extraction de cette huile, qui reste la plupart du temps traditionnelle, est effectuée par les femmes berbères qui détiennent ce savoir-faire ancestral qui s’est transmis à travers plusieurs générations. Après la récolte des fruits murs en juillet-août, ces derniers sont séchés au soleil durant quelques semaines puis dépulpés pour ne laisser que les noix. Les noix sont ensuite cassées pour récupérer les amandons. Après une légère torréfaction, Les amandons sont broyés dans une meule. Puis la pâte d’amandons est additionnée d’eau et malaxée pour en extraire l’huile. Ce procédé fastidieux s’est basé essentiellement sur un travail manuel réalisé pour la plupart du temps par des femmes. En une journée de travail, chacune d’elles peut produire de 1 à 1.5 kg d’amandons, sachant qu’avec un rendement de 30 %, il faut près de 3 Kg d’amandons pour avoir 1 litre d’huile.
A côté de cette production appelée familiale, s’est développée depuis les années 90 une production dite artisanale liée à la mise en place de plusieurs coopératives féminines de production et de commercialisation de l’huile d’argan. Actuellement, nous avons plus d’une trentaine de coopératives. Celles-ci, avec le soutien de l’Etat, ont pu mécaniser les procédés d’extraction de l’huile en particulier le dépulpage, la torréfaction et le pressage de la pâte d’amandons, alors que le concassage, qui constitue l’étape la plus pénible et la plus fatigante, est resté jusqu’à maintenant le seul procédé manuel dans l’extraction. En dépit de cette mécanisation qui a permis une amélioration du rendement, la qualité de l’huile reste dépendante de plusieurs paramètres techniques tels que le conditionnement, le réglage et l’entretien des appareils d’extraction. La quantité d’eau ajoutée lors du malaxage de la pâte constitue également un autre paramètre d’une importance capitale. Outre ces deux types de production (familiale et artisanale), il existe une troisième technique dite industrielle dans laquelle le secteur privé joue un rôle indéniable. Ce type de production est apparu juste après les premières coopératives. Bien qu’elle concurrence les deux premières sur le marché national en mettant l’accent sur la qualité et le rendement, elle contribue de façon significative à la promotion de cette huile en exportant une grande partie à l’étranger. Indirectement, cette production industrielle participe également au développement économique de l’arganeraie car elle achète d’importante quantité d’amandons, ce qui constitue un des principaux revenus de la population locale. Mais cette vision est critiquée car le partage de la plus-value de ce produit qui est l’huile d’argan n’est pas équitable au sein de la filière entre le secteur amont qui regroupe les ayants droits et les usagers de l’arganeraie c’est-à-dire la population locale et le secteur aval, à savoir les commerçants. Il parait évident que les ayants droits (population locale) ne tirent que très peu profit de cette commercialisation alors que la marge bénéficiaire est très importante à l’aval puisqu’en Europe un flacon de 250 ml se vend à plus de 200 Dirhams ( environ 20 Euros). Il est à signaler que le prix de 1 Kg d’amandons est acheté à la population locale au prix de 15 à 20 DH. Au niveau des coopératives ce prix peut aller jusqu’à 25 à 35 Dirhams le kilogramme. Cette huile reconnue actuellement comme un produit de luxe dans plusieurs pays du monde nécessite une réorganisation de sa filière de commercialisation. En effet, des travaux de recherche sont en cours au Maroc pour mettre en place un label de qualité de type appellation d’origine contrôlée qui peut constituer un point très important pour l’avenir de la filière de l’huile d’argan.
L’huile d’argan est un produit de l’arganier. Le rendement annuel d’un arbre adulte est assez faible, entre 6 et 8 kg. de fruits, et il faut environs 100 kg de fruits pour obtenir 5 kg d’amandes. L’huile obtenue à partir des graines torréfiées est destinée à la consommation alimentaire alors que celle obtenue sans torréfaction préalable des graines est plutôt employée comme cosmétique. L’huile d’argan est une huile très fine et très riche en acides gras insaturés avec un délicieux goût de noisette. La production potentielle de l’arganeraie en huile est très mal connue car il est très difficile d’obtenir des chiffres fiables de production moyenne par arbre ou par hectare. Cette production est également dépendante de façon très étroite des conditions climatiques qui régent aussi bien pendent la récolte et la floraison. On estime actuellement cette production à environs 4 000 tonnes par an.

La composition chimique de l’huile d’argan a été très bien étudiée. Les études ont montré sa grande richesse en acides gras insaturé (80 %) qui sont représentés essentiellement par les acides oléiques et linoléiques avec respectivement 45% et 35%. Ces derniers confèrent à cette huile de très bonnes qualités diététiques. La fraction insaponifiable qui représente près de 1 % est représentée essentiellement par Les hydrocarbures et les carotènes (37,50%), les tocophérols (7,50%) dont la vitamine E, les alcools triterpéniques (20%), les méthyl-stirols et stirols (20%) et les xantophylles (6,50%). Il est à signaler que la vitamine E est connue par ses propriétés eutrophiques, c’est à dire qu’elle contribue à un état normal de nutrition avec un développement régulier de toutes les parties de l’organisme. D’autres études ont montré que la vitamine E contenue dans l’huile d’argan, provoque la stimulation d’une activité enzymatique liée à la détoxification et à la défense antioxydante des cellules. Il s’ensuit une diminution de la susceptibilité membranaire à la péroxydation qui serait à l’origine du vieillissement.