La simplicité du multiple,Un regard de Hassan Nadim sur Silves



Le photographe sort. Il fait plusieurs kilomètres, s’éloigne de chez lui, de sa ville, mais il ne quitte jamais ses chemins. Sous son regard se présentent des choses multiples et diverses.
Il s’émerveille des différences, il marche, les yeux reflètent l’enthousiasme permanent de la découverte. Pourtant la matrice de son regard est ce que, lui, le photographe porte en lui, ce lieu qui lui appartient depuis l’enfance, la matrice avec laquelle il reconstruit la nature, en choisissant toujours soit son contraire, soit ce qui lui ressemble.
Ainsi, l’étrangeté de notre regard sur la photo ; que quelqu’un a pris de quelque chose qui nous appartiennent : des endroits, des visages aimés, des maisons qui nous appartiennent. Ils étaient à nous parce qu’ils étaient déjà moulés sur notre corps et sur notre vie, mais nous ne les reconnaissons plus, maintenant ils appartiennent à un autre, ils appartiennent au monde, et c’est toujours comme si on les regardait par la première fois.
Hassan Nadim arrive à Silves, portant avec lui son paysage, les yeux contaminés par d’autres images, et il prend patiemment des photos de la ville étrangère.
Ses choix, révélés par la lumière et les encadrements, sont faits par ressemblance.
Le photographe regarde cette ville et il se multiple : maintenant il est deux, il appartient à Marrakech et il appartient à Silves. Ce n’est pas un regard étranger que nous voyons reflété sur ces photos. Il s’agit d’un regard voisin qui cherche à reconnaître. Hassan Nadim regarde Silves comme si ce n’était pas la première fois, et il refait facilement cet endroit à son image.
Pour tout cela, la découverte de sa matrice est ce qui charme et séduit le plus dans ce travail de Hassan Nadim. Au moment passionné du choix, avec rigueur et émotion, le photographe nous révèle la simplicité du multiple dans les ressemblances qu’il trouve et nous dévoile.

La matrice
Le silence

Nous sommes touchés par le silence de ces photos.
Les œuvres d’art sont silencieuses (John Berger), mais dans ce travail de Hassan Nadim le silence est surtout fait d’absence et de solitude. Comme si le photographe venait d’arriver dans une ville déserte.
Les formes voisines, les voix étranges. Pour les gens qui peuplent Silves, Hassan est étranger et il se trouve seul. Il n’y a que deux photos où une complicité s’établit, d’une part, entre celui dont on fait le portrait et nous-mêmes qui regardons, et d’autre part, avec le photographe qui choisit : un jeune homme tient un ballon, avance, joue avec son corps, les yeux sur l’objectif, et trois enfants absents de tout se remplissent de secrets sur le seuil d’une porte. Sur toutes les autres photos l’être humain resta suspendu, seul, en attendant la foule que Hassan Nadim transporte en lui-même et les endroits peuplés de sa mémoire.