Les jardins de Villandry



Dans la vallée de la Loire, plus précisément entre Tours et Azay-le-Rideau en Touraine, se trouve un des derniers grands châteaux construits à l’époque de la Renaissance, Villandry. Le constructeur de ce château, Jean Le Breton, avait été ambassadeur à Rome. Il s’inspira des jardins italiens pour créer la première parure végétale de sa résidence.

Au XIXe siècle, ce premier jardin laissa la place à un parc à l’anglaise. En 1906, le château fut acheté par le Docteur Joachim Carvallo, né en Espagne en 1869, arrière-grand-père des actuels propriétaires. Ce fut cet homme qui redessina les jardins actuels en s’inspirant, d’une part des plans anciens d’Androuet du Cerceau et des décors des tapis d’Orient plus que des jardins classiques français. Il est vrai que le château comporte une salle mauresque et que l’un de ses propriétaires fut ambassadeur de France en Turquie. Ce choix qui consista à abandonner la conformité des plans des jardins au goût dominant des temps qui passent fut un bon choix. Avec 300 000 visiteurs par an, les jardins de Villandry sont aujourd’hui parmi les plus visités d’Europe.

On est donc en présence d’une création hybride, désormais totalement anachronique, qui ne se réfère pas au temps passé ou à une hypothétique authenticité, mais à un mélange culturel qui introduit, le long d’un canal des sous-jardins, tous composés de groupes presque tous ternaires, sauf le salon de l’amour. Ces structures élémentaires sont parfaitement géométriques. Le choix consista à inclure des sous-ensembles symétriques dans des ensembles qui ne le sont pas. Telle est la règle générale de composition de ce jardin.

Une deuxième règle est la binarité des compositions dont on se rend compte depuis un belvédère situé derrière le château. Le jardin apparaît tout d’abord comme étant une clairière entourée, sur deux faces, par une forêt qui lui sert d’écrin. Ensuite tout est construit sur des systèmes binaires d’opposition : jardin d’eau/ jardins de végétaux, végétaux d’agrément/ pota-ger, plantes d’alimentation/ plantes de soins ou simples, structures géométriques ouvertes permettant immédiatement l’accès au centre/ labyrinthe. Mais l’omniprésence du buis atténue ces contrastes en soulignant, avec la même couleur verte, les lignes le long des allées tracées au cordeau.

La troisième règle consiste à créer des contrastes de couleurs entre les végétaux, ce qui impose de changer les quarante espèces de plantes du jardin, en dehors des buis, tous les trois ans. Et cela de façon à ne pas épuiser les sols tout en renouvelant les oppositions de couleurs deux fois chaque année, les plantes du printemps n’étant pas celles de l’été.

Ces trois règles ont permis de construire des jardins d’une remarquable beauté. Elles ont été maintenues depuis un siècle par le fils de Joachim Carvallo, François, par son petit-fils, Robert et par son arrière-petit-fils Henri Carvallo qui ont tous géré ce domaine avec enthousiasme et compétence.

Si l’on détaille ce jardin, on peut décrire trois niveaux depuis le plateau d’où vient l’eau qui traverse l’ensemble par un canal avant d’aller rejoindre la Loire. Il y a, dans la partie la plus haute, le jardin d’eau conçu comme un immense miroir. D’ailleurs le bassin prend la forme d’un miroir d’époque Louis XV. Le décor y est minimal. C’est la forme du bassin et la couleur verte homogène qui l’entoure, ce qui fait de ce lieu un espace poétique de méditation.

Un peu plus bas se trouve le jardin d’agrément composé de deux salons, dont l’un, sous le belvédère, prolonge les salons intérieurs du château. Le tout premier de ces salons, tout près du château célèbre l’amour sous ses quatre
formes, tendre, passionné, volage et tragique, ce qui est symbolisé par les formes des carrés et les couleurs des fleurs.
Le deuxième salon, entouré d’arbres taillés et entièrement réalisé en buis taillé, évoque la musique avec des formes correspondant aux lyres, harpes et chandeliers.

Puis, après le deuxième salon, on arrive à un labyrinthe, tout au fond du jardin. Celui-ci n’est pas composé en buis ou en maïs comme souvent aujourd’hui. Il est fait de charmilles. Son plan re-produit un labyrinthe de la Renaissance. Il est donc d’une extrême simplicité. Un petit belvédère en bois, situé au centre du labyrinthe, permet d’ailleurs de s’en apercevoir.
Quand on remonte vers le nord, on découvre, tout en longueur, le jardin des simples consacré à une trentaine d’espèces d’herbes aromatiques, condimentaires et médicinales autrefois consi-dérées comme étant nécessaires à la vie humaine.

On traverse finalement ce qui est une pure splendeur, le potager. Celui-ci est composé de neuf carrés de même taille, mais à l’intérieur desquels les motifs géométriques sont tous différents. Le but y est de faire s’opposer les couleurs, rouge du chou et de la betterave et vert clair des fanes de carottes par exemple, pour créer des sous-ensembles multicolores. Quelques pierres sculptées et des rosiers élancés, comme des arbustes dans les coins des carrés ou aux départs des chemins de traverse, sont aussi présents dans cet espace pour éviter la seule horizontalité. On est là devant une réinter-prétation esthétisée des plans des anciens jardins de monastères.

La beauté particulière de ce jardin vient de la multiplicité des décors implantés dans un ensemble qui a aussi une forte unité. Ce jardin est moins un jardin Renaissance qu’un jardin du début du XXe siècle ouvert à une mondialisation en cours. On y voit donc quelques plantes américaines, mais les pommes de terre sont exclues de cet espace. Ce potager utilise ainsi des éléments d’époques diverses comme les fontaines ou tonnelles d’origine italienne ou le plan de jardins médiévaux. L’irrigation est assurée par un système d’arrosage automatique enterré. La fascination éprouvée peut aussi venir de la très grande taille cette création qui donne sans cesse des plaisirs renouvelés.